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  • Photo du rédacteurRomuald Normand

Comment évaluer les élèves : ce que confirme la recherche internationale depuis 20 ans


En 1996, l’Assessment Reform Group (ARG), auquel contribuaient les chercheurs Black et Williams, et dont la préoccupation première était de produire des données permettant de conduire une politique d’évaluation du système éducatif anglais, jugea qu’une exploration plus approfondie de l’évaluation

était primordiale. Le groupe de recherche et d’expertise obtint un financement de la fondation Nuffield pour conduire une revue de la littérature de recherche sur cette question. Cette enquête s’effectua à partir de la lecture de nombreux livres et de numéros de plus de 160 revues sur une période de 9 ans. Environ 580 articles ou chapitres de livres furent étudiés. Une importante revue de la littérature fut publiée dès 1998 (Black & William, 1998) qui portait principalement sur des travaux empiriques, à la fois quantitatifs et qualitatifs, concernant différents aspects de l’évaluation formative.

Progressivement, d’autres études furent prises en compte parce qu’elles affichaient des gains significatifs et substantiels des élèves confrontés à des pratiques de l’évaluation formative comparés à d’autres situations pédagogiques où elle était absente. Les recherches sur les pratiques enseignantes montraient également que l’usage de l’évaluation formative demeurait assez faible, et assez superficiel en termes d’efficacité sur les apprentissages. Elles soulignaient aussi que les croyances des élèves concernant les objectifs d’apprentissage, les risques qu’ils percevaient dans la manière dont ils répondaient aux enseignants et s’engageaient dans le travail scolaire, affectaient fortement leur motivation. D’autres travaux insistaient sur l’importance du discours en classe, tel qu’il est organisé par le jeu des questions/réponses des enseignants. Enfin, certaines recherches démontraient l’importance du retour d’information ou rétroaction (feed-back) pour l’amélioration des apprentissages.

L’ensemble de ces études mena aux conclusions suivantes :

* le travail d’évaluation formative génère de nouvelles façons de mettre en valeur le retour d’information (feedback) entre l’enseignant et les élèves, ce qui nécessite de nouvelles pratiques pédagogiques et des changements significatifs dans la classe

* l’engagement actif des élèves dans les apprentissages garantit leur efficacité

* l’évaluation n’est formative que si les résultats sont utilisés par les enseignants pour ajuster leur enseignement aux apprentissages des élèves

* la manière dont est utilisée l’évaluation affecte la motivation et l’estime de soi des élèves, elle est bénéfique quand ceux-ci sont engagés dans une procédure d’auto-évaluation

L’évaluation sommative et la notation nuisent à la motivation des élèves

Les évaluations, particulièrement lorsque les résultats relèvent d’enjeux importants, créent une bonne raison d’apprendre. Mais cette raison se limite, pour la majorité des élèves, à atteindre le niveau nécessaire pour obtenir la note ou réussir à l’examen. Les élèves qui parviennent à se motiver de cette manière visent plus la performance que l’apprentissage, et ils cherchent la voie la plus facile pour y accéder. Ces élèves développent des stratégies passives plutôt qu’actives. Ils évitent les difficultés et leurs connaissances demeurent superficielles (Ames & Archer, 1988, Bensamour, 1999, Crooks, 1988, Harlen & James, 1997). Les élèves sont encouragés involontairement par les enseignants dans cette approche de leur travail par la façon dont ils leur présentent les tâches (Brookhart & Devoge, 2000 ; Schunk, 1996). Des tests ou des notes à répétition, à travers lesquels ils sont encouragés à être performant pour obtenir les meilleurs résultats, les incitent à considérer que c’est d’abord la performance qui compte, ce qui affecte leur travail en classe (Pollard et al. 2000, Reay & William, 1999). Beaucoup d’enseignants passent leur temps à accompagner les élèves dans la réussite aux tests ou aux devoirs sans les aider pour autant à comprendre ce qui est évalué (Gordon & Reese, 1997 ; Leonard & Davey, 2001). Ainsi l’étendue et l’intensité des apprentissages sont diminuées. Les enseignants s’investissent dans une instruction directe et beaucoup moins dans la création de situations où les élèves cherchent à résoudre des solutions (Johnston & McClune, 2000). Pourtant de nombreux travaux de recherche ont confirmé que le retour d’information aux élèves jouait un rôle fondamental dans leur sentiment d’être capable d’apprendre, dans leur engagement dans les activités et dans l’évaluation de leurs tâches dans la classe. Roderick & Engel (2001) ont montré que le soutien apporté aux élèves permettait d’augmenter leur effort et leur performance à un degré incomparable, à travers la création d’un environnement social et éducatif favorable, qu’il suscitait un effort des enseignants pour augmenter le sens de l’efficacité parmi les élèves et pour se centrer sur des objectifs d’apprentissage explicites, et qu’il renforçait l’usage de l’évaluation pour aider les élèves à réussir en créant des cartes cognitives rendant leur progrès plus perceptibles.

En résumé, l’évaluation peut avoir un impact positif sur la motivation des élèves dans l’apprentissage si :

  • elle ne crée pas une culture du groupe classe qui favorise la transmission collective des connaissances et sous-évalue la variété des façons d’apprendre

  • elle ne se centre pas sur le contenu étroit de ce qui est noté ou testé

  • elle ne conduit pas les élèves à adopter des objectifs de performance plutôt que des objectifs d’apprentissage

  • elle ne propose pas essentiellement un retour d’information en termes de notes ou de niveaux obtenus

Ces situations peuvent être évitées en persuadant les enseignants que des niveaux de réussite peuvent être atteints par d’autres visées que la notation. Les effets négatifs de l’évaluation sommative et de la notation sur les élèves les plus faibles proviennent de leur expérience répétée de l’échec en comparaison avec d’autres élèves. Il existe deux sortes d’action envisageable pour minimiser cet aspect négatif. Le premier consiste à s’assurer que le devoir ou le test correspondent aux capacités réelles des élèves et qu’il n’est pas hors d’atteinte. Si tous les élèves peuvent faire l’expérience du succès, cela améliorera leur estime de soi et le sentiment de leur efficacité. Les résultats peuvent aussi aider les élèves à reconnaître leurs progrès dans les apprentissages (Roderick & Engle, 2001, Duckworth et al., 1986). La seconde action consiste pour les enseignants à promouvoir cette conscience du progrès parmi les élèves et à les décourager de se comparer entre eux en termes de notes ou de scores obtenus.

Références

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