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  • Photo du rédacteurRomuald Normand

L' "ami critique", acteur du développement professionnel


« L’ami critique est une personne de confiance qui pose des questions dérangeantes, propose des données à étudier avec un autre regard et critique le travail déjà réalisé comme un vrai ami. L’ami critique n’est pas neutre, mais il agit pour accompagner l’unité éducative[1] et pour la défendre, en travaillant avec l’encadrement et les enseignants pour les aider à améliorer l’établissement scolaire ou l’école avec la distance nécessaire. C’est une personne extérieure qui n’entretient aucune familiarité avec les membres de l’unité éducative».

En dépit de ces différentes approches et d’un contexte sociopolitique plus ou moins favorable, l’ami critique est amené à occuper différents rôles dans l’accompagnement de l’unité éducative. Il est un conseiller scientifique lorsqu’il formule des avis utiles et qu’il aide le chef d’établissement ou le directeur d’école à établir un diagnostic des forces et des faiblesses du projet d’établissement ou d’école. Il propose des méthodes efficaces pour mettre en œuvre l’auto-évaluation, en faisant partager ses connaissances et en rendant le travail plus professionnel, notamment dans la préparation de séminaires ou d’ateliers Une fois la démarche d’auto-évaluation lancée, il devient organisateur en gérant les réunions et les synthèses, en spécifiant le temps des discussions et en modérant les débats, en commentant les choix stratégiques, en accompagnant le travail de différents groupes. Il exerce aussi des fonctions sociales comme facilitateur lorsqu’il s’agit de rassurer les personnes et de les encourager, mais aussi de les aider à formuler des idées nouvelles, à se centrer sur des thèmes ou des activités précises, à réviser les outils utilisés lorsqu’ils s’avèrent inadaptés. Il lui revient de jouer le modérateur, de gérer les émotions, de faire trouver aux personnes un équilibre entre problèmes personnels et vie professionnelle. Il prend une posture d’arbitre quand il apaise les tensions, qu’il propose des contre-arguments, qu’il favorise la cohérence de la démarche d’auto-évaluation et le rapprochement des points de vue. Ces fonctions et ses compétences exigent des qualités d’ouverture, d’écoute pour entendre les besoins qui s’expriment dans l’unité éducative. L’ami critique doit être capable de comprendre le contexte local, de formuler des avis utiles. L’enjeu est de se faire accepter par les membres de l’équipe éducative et de parvenir à communiquer ses idées, à persuader qu’elles sont bonnes et à soutenir l’innovation tout comme la dynamique de changement.

Les leçons tirées des expérimentations déjà réalisées montrent que l’ami critique, tout en étant attentif à son rôle, se doit d’adopter une attitude positive vis-à-vis de l’unité éducative, être capable d’encourager et de soutenir la participation et les prises de décision dans le temps, favoriser le plus possible la créativité. En revanche, son action a un effet négatif s’il est trop rapide dans son jugement, trop directif, ou s’il propose des solutions clés en main ou qu’il prend parti pour un camp ou pour un autre. Plus la relation est clairement établie entre les responsables de l’unité éducative et l’ami critique, plus la collaboration est rendue facile sur le long terme.

Si l’ami critique adopte une position d’accompagnement et non de pilotage, l’établissement scolaire ou l’école aura davantage de possibilités pour mettre en œuvre son projet. Bien qu’il possède une bonne expertise, l’ami critique est plus généraliste que spécialiste. Il doit pouvoir travailler avec tout le monde, y compris les parents et les élèves. L’impact de l’ami critique sera moindre s’il n’est pas intégré au travail quotidien de l’établissement et s’il n’est pas disponible quand l’établissement a besoin de soutien. L’ami critique exerce moins d’influence quand un inspecteur travaille de manière intensive avec l’unité éducative. Il est alors primordial d’établir de bonnes relations entre l’ami critique et le corps d’inspection. Voici une liste de difficultés auquel l’ami critique peut se trouver confronté :

  • Le statu quo : l’organisation hiérarchique de l’unité éducative maintient les statuts et les missions des uns et des autres au détriment de la créativité et de l’innovation,

  • La représentation : les personnes jouent le rôle de représentant pour d’autres (le syndicat, l’équipe de direction, une discipline scolaire) et ne s’engagent pas vraiment dans la démarche,

  • L’instrumentalisation : l’ami critique est utilisé comme représentant d’un groupe d’intérêt particulier dans l’établissement scolaire ou l’école,

  • La faute à l’institution : les personnes attribuent la responsabilité des problèmes qu’ils rencontrent à une entité extérieure comme « l’institution »,

  • Le registre de la plainte : « les choses ne devraient pas être ce qu’elles sont » et les personnes s’enferment dans une rhétorique qui tourne à vide,

  • La délégation de l’expertise : l’ami critique est considéré comme l’expert et c’est lui qui doit prendre tout en main,

  • La faute à l’absence de moyens : nous ne pouvons agir parce que nous n’avons pas assez de moyens et de temps disponible.

[1] Après de nombreuses expérimentations à l’échelle internationale, le rôle de l’ami critique dans l’auto-évaluation des unités éducatives a été reconnu (McBeath, 1998, 1999 ; MacBeath & Mortimore, 2001 ; Frost & Swaffield, 2004). Il est démontré que les établissements scolaires ou les écoles ont plus de chances d’améliorer leurs résultats quand ils bénéficient d’un regard extérieur. Toutefois la position de l’ami critique peut être différente selon qu’il est nommé par une agence externe, imposé par une autorité locale, désigné par l’établissement scolaire ou l’école, ou élu parmi un collectif de pairs. Elle varie selon que la démarche évaluation est parallèle (l’auto-évaluation est conduite parallèlement à l’évaluation externe selon des critères et des protocoles distincts), séquentielle (un groupe extérieur suit la démarche d’auto-évaluation au fondement du processus qualité, comme en Ecosse ou encore en Nouvelle-Zélande) ou coopératif (le groupe extérieur coopère avec l’établissement pour développer une approche commune de l’évaluation).

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