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  • Photo du rédacteurRomuald Normand

L’accompagnement d’équipes : un voyage dans le développement professionnel.


On ne peut jamais définir à l’avance l’accompagnement

L’accompagnement est un apprentissage et il est chargé d’incertitudes. Même les innovations pédagogiques les mieux développées correspondent à un nouvel apprentissage et à de nouveaux principes pour celles et ceux qui les mettent en œuvre. Les enseignants ont besoin de temps pour les assimiler et de nombreuses études ont montré le « refroidissement » créé par la mise en œuvre, même dans les cas où cela marche, les choses commencent par aller mal avant de bien fonctionner. L’absence de difficultés premières dans l’accompagnement montre que celui-ci est soit superficiel soit trivial. Plus les réformes sont complexes, plus grande est l’incertitude : d’abord parce que plus de choses sont expérimentées, ensuite par que les solutions ne sont pas connues à l’avance. En résumé, l’anxiété et les difficultés sont intrinsèques à la réussite de l’accompagnement. C’est pourquoi le climat qui encourage la prise de risque est si important. Les enseignants ne s’engageront pas dans l’incertain tant qu’ils ne considéreront pas les difficultés comme un processus naturel de l’innovation, et s’ils ne le font pas, aucun accompagnement ne se produira. Il est nécessaire qu’ils s’approprient l’innovation et cela passe par un apprentissage professionnel : cette appropriation est plus forte au milieu de l’expérimentation et surtout à la fin qu’au début.

L’accompagnement est un voyage et non une planification par objectifs

Si l’accompagnement consistait dans la mise en œuvre d’innovations éprouvées, bien conçues, alors on pourrait s’appuyer sur une planification. Mais les établissements scolaires ont à réaliser un grand nombre de choses en même temps. Les réformes présentent des facettes multiples si bien que les solutions pour une situation ou un cas particulier ne peuvent pas être connues à l’avance. Si l’on cherche à rendre compte de cette complexité par la planification, on sera obligé de mettre en œuvre un plan extrêmement compliqué et le dispositif devient peu maniable, lourd et encombrant, mais aussi inefficace. Il ne peut y avoir de plans établis à l’avance pour l’accompagnement parce que les modèles de planification rationnelle ne marchent pas : l’environnement dans ou en dehors de l’établissement est chaotique et aucun plan ne dure bien longtemps parce qu’il est rapidement démodé sous les pressions externes, par désaccords sur les priorités en interne : la stratégie est en fait un outil flexible, qui ne se résume pas à un plan incrémental mais à des cycles d’aller-retour dans l’établissement, entre la recherche d’un consensus sur les objectifs, la mise en œuvre de stratégies pour les atteindre, et le processus d’essais et d’erreurs qui tiennent compte de la créativité de ceux qui sont engagés dans l’expérimentation. Le message n’est donc pas : « planifiez et agissez » mais « agissez et planifiez » : l’accompagnement est un voyage où les motivations des personnes sont identifiées, soutenues et redéfinies en permanence

Le développement professionnel comme résolution de problèmes

L’accompagnement menace les intérêts et les routines individuelles, il renforce l’incertitude et accroît la complexité. Il pose des problèmes en termes de coordination de l’action, de mobilisation des compétences, de conflits inter-individuels : ces problèmes viennent non seulement des personnes, mais de l’accompagnement lui-même, et des procédures et des dispositifs sur lesquels il s’appuie. On ne peut pas trouver des solutions efficaces si l’on n’accepte pas de se confronter à la réalité de ces problèmes pour dégager une créativité et une innovation. Trop souvent, ces problèmes sont ignorés, déniés, ou utilisés comme moyen de se défendre ou de critiquer. La réussite de l’accompagnement dépend de la manière dont ces problèmes seront pris en compte et acceptés comme partie intégrante de la solution et non comme une résistance ou une ignorance des personnes. Ces problèmes vont des atermoiements, du confort des habitudes, d’une pression supplémentaire sur le travail, à des enjeux de formation, d’organisation pédagogique, de construction de compétences collectives : quand les établissements ne vont pas au fond des choses (en en restant à la première catégorie de problèmes), il y a peu de place pour l’accompagnement. Les ennemis de l’accompagnement sont la passivité, le déni, l’évitement, les conventions, et la peur d’être trop radical alors que la bonne façon de construire l’accompagnement, c’est d’être actif, assuré, inventif en allant à la racine des problèmes. Cela marche pour les établissements qui acceptent de créer une structure pour accompagner (comité de coordination ou de pilotage) et s’occuper des problèmes de manière continue.

La vision d’ensemble et la planification stratégique viennent après coup

La vision vient après coup parce que le processus d’adhésion des personnes au projet et au partage des connaissance prend du temps : il ne s’agit pas de guider les individus selon des cadres préétablis en espérant qu’ils s’engagent par la suite mais de prendre en compte le fait que les personnes apprennent à travers l’expérimentation, à travers leurs interactions les uns avec les autres, par l’appropriation de l’expérimentation et la recherche de solutions communes à leurs problèmes : ils sont des enquêteurs sur leurs propres pratiques.

L’individuel et le collectif doivent s’équilibrer

Le développement professionnel des enseignants à titre individuel ne suffit pas, même s’il est essentiel à la créativité et à la position d’enquêteur sur ses propres pratiques : la culture de l’organisation doit elle aussi changer et l’établissement scolaire doit travailler à un programme cohérent en réduisant le nombre d’initiatives non articulées les unes aux autres et en se centrant sur des objectifs clairs et soutenus dans le temps. L’accompagnement ne peut être effectif si les enseignants s’intéressent uniquement à ce qui se passe dans leur classe sans se soucier du travail de leurs collègues, si les chefs d’établissement ne sont pas concernés par le succès des établissements voisins. Ce travail de mise en œuvre des expérimentations et de coordination doit aussi transcender les frontières de l’établissement pour donner place à une dynamique en réseau autour d’une régulation locale fixant les priorités et partageant l’information entre tous les partenaires.

Les solutions préconisées d’en haut ou d’en bas ne marchent pas isolément

Ni la centralisation ni la décentralisation ne marchent : les autorités académiques et les établissements locaux ont besoin l’un de l’autre : le succès de l’accompagnement dépend de cette interaction entre pression, soutien, et négociation continue. La pression c’est l’obligation de rendre compte, mais une obligation de rendre compte intelligente qui conçoit l’évaluation comme un partage de l’information entre acteurs autour d’un projet commun. Le soutien, c’est accompagner les équipes dans l’établissement en leur fournissant des ressources et une expertise ad hoc, par exemple à travers le rôle joué par un ami critique.

Les liens de l’établissement avec son environnement local sont essentiels

L’accompagnement prend place dans un contexte plus large que celui de l’organisation pédagogique interne de l’établissement, il doit mobiliser la hiérarchie et les partenaires de l’école (parents, associations, etc.) : l’innovation nécessite un travail en réseau, avec d’autres établissements : c’est la garantie d’une efficacité en termes d’amélioration des résultats des élèves. Echanges de bonnes pratiques, transfert de connaissances, dispositifs transversaux sont des moyens d’améliorer l’organisation pédagogique et de créer l’accompagnement.

Chaque enseignant peut être un acteur de son développement professionnel si :

  1. Il situe, écoute, et met en cohérence son propre message intérieur,

  2. Réfléchit aux effets de sa pratique dans l’action et sur l’action,

  3. Accepte la prise de risque,

  4. Fait autant confiance aux individus qu’aux procédures et aux dispositifs,

  5. Apprécie d’être tout entier dans le travail avec les autres,

  6. S’engage dans le travail collectif avec ses collègues,

  7. Recherche la variété tout en évitant la balkanisation,

  8. Redéfinit son rôle en dehors de la classe,

  9. Equilibre sa vie professionnelle et sa vie privée,

  10. Soutient l’équipe de direction et l’inspection dans sa volonté d’accompagnement,

  11. S’engage à une amélioration continue et à un apprentissage tout au long de la vie,

  12. Régule et dynamise les interactions entre son développement personnel et celui de ses élèves.

D’après Michael Fullan, Change Forces. The Sequel, London, Taylor & Francis Group, 1999

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