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  • Photo du rédacteurRomuald Normand

Au-delà du miracle PISA à Singapour : le grand écart entre innovations et pratiques pédagogiques


Malgré les multiples initiatives de réforme visant à encourager la vision pédagogique du « enseigner moins, apprendre davantage », la pratique pédagogique dans les salles de classe de Singapour est restée traditionnelle, largement axée sur l'enseignement du contenu des programmes et la performance aux examens. Il y a très peu de preuves d'un enseignement réflexif, utilisant de manière significative les TIC, centré sur l’apprentissage des élèves. Cela ne signifie pas pour autant qu'il n'y a pas eu d'innovations dans les programmes scolaires. En fait, au cours des dernières années, a été mise en oeuvre une vague d'innovations curriculaires et pédagogiques dans un grand nombre d'écoles. Mais elles ne semblent pas avoir eu un impact significatif sur la pratique pédagogique dans les salles de classe.

Ces effets limités s’expliquent par les croyances traditionnelles des enseignants sur les savoirs, l'enseignement et les apprentissages. A Singapour, les enseignants ont tendance à considérer les savoirs comme un ensemble de faits ou d'informations prêts à l'emploi déjà contenus dans les programmes scolaires nationaux et les manuels scolaires et à partir desquels les élèves sont évalués pour les examens. Par conséquent, ils sont enclins à considérer l'enseignement comme une transmission des savoirs et l'apprentissage comme un processus d’acquisition et de mémorisation. Pour les élèves, cette vision de l'apprentissage est renforcée par leur participation à des cours extrascolaires. Elle est aussi maintenue par l’existence d’un système système d'évaluation sommative à enjeux élevés, autrement dit des tests, qui exercent une forte emprise sur les pratiques en classe.

L'enseignement est donc largement axé sur la couverture des programmes scolaires et la préparation des élèves aux examens et aux tests. Par conséquent, les enseignants s’appuient dans une large mesure sur des formes d'organisation des cours en classe entière, à travers des cours magistraux et des séquences de questions-réponses (IRE) qui demeurent les méthodes dominantes. Ils dépendent aussi beaucoup des manuels et du matériel didactique en fournissant aux élèves un grand nombre de feuilles d’exercice et de devoirs, en mettant l'accent sur leur maîtrise de procédures spécifiques et des compétences dans la résolution de problèmes.

Lorsque les enseignants utilisent des méthodes pédagogiques « constructivistes », elle que l’évaluation formative, ils cherchent surtout à ce que les élèves connaissent les bonnes réponses plutôt que de chercher à développer leurs capacités pour la conceptualisation et la pensée critique. En d'autres termes, ce qui ressort des recherches sur la nature de la pratique pédagogique à Singapour est qu’elle correspond à une " pédagogie hybride " fortement axée sur l'enseignement direct et les pratiques pédagogiques traditionnelles et beaucoup moins sur les principes d'apprentissage constructivistes. Cette pédagogie permet d'expliquer en partie la réussite des élèves singapouriens à PISA. En effet, ces pratiques sont particulièrement prédictives du rendement scolaire des élèves parce qu’elles sont très efficaces pour générer des résultats exceptionnels dans les évaluations internationales

Cette pédagogie est aussi fonction de l'organisation institutionnelle et du milieu socioculturel de l'enseignement à Singapour. Elle est fortement réglementée et façonnée par un système éducatif largement centralisé, avec un programme national qui prescrit ce qu'il faut enseigner et, de plus en plus, comment l'enseigner. Elle est fortement motivée par des examens à enjeux élevés (tests) qui orientent les élèves vers divers types d'écoles et de programmes d'études en fonction de leurs performances. Cette pédagogie est amplifiée aussi par un recours excessif aux cours privés centrés sur la maîtrise de procédures spécifiques dans les programmes scolaires et l'amélioration de la performance aux examens. En outre, cette pédagogie, s’appuie sur une conception de la méritocratie fondée sur les examens, et une vision très instrumentaliste de l'éducation partagée par les parents, les élèves, les enseignants et les décideurs politiques.

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